OPÉRATION DAGUET 1990-1991

Bernard SIDLER

Photographe depuis sa prime jeunesse, Bernard Sidler a appris très tôt à marier le document le plus parlant et le secret le plus étanche. Il est allé à bonne école, puisqu’il a fait ses premières armes, comme officier marinier et reporter de la Marine, à l’établissement cinématographique et photographique des armées, aujourd’hui ECPAD, photographiant les hommes en première ligne et partageant les mêmes risques, au Tchad notamment, lors de l’opération Manta. Après l’expérience militaire, il devient reporter de presse, assumant le plaisir et le risque de la liberté pour traquer la vérité de l’image. Correspondant de guerre, il a accepté, lorsque cela était nécessaire, la discipline du reporter « immergé » dans les unités, attendant le retour à la base arrière pour divulguer ses clichés… et attendant vingt ans avant de révéler, à leur demande, des photos prises avec les forces spéciales françaises en opérations dans le désert irakien en 1991. Préférant l’action à la parole, il observe, analyse, résume en une image des situations complexes et révèle une sensibilité hors du commun remarquée dans la presse. Ce n’est pas un hasard s’il a fait bien des doubles pages dans Paris-Match ou dans Le Figaro Magazine, parmi de nombreuses autres publications. Ses photos ont rarement besoin de légende, elles parlent d’elles-mêmes. Tchad, guerre du Golfe, Rwanda, Liban, Cambodge, Croatie, Bosnie, il y a peu de champs de bataille où il n’ait été en vingt ans, avec ou sans les forces françaises, précédant parfois les armées. Discrétion, prudence et humilité sont ses qualités premières. Devenu portraitiste, il garde ses réflexes de correspondant de guerre, abordant ses sujets avec toujours la même prudence, le même recul. Et sa discrétion, c’est justement l’arme qui le fait accepter par les plus grands. Ayant eu l’occasion d’approcher le roi Hassan II du Maroc, il a su capter sa confiance et s’est tout naturellement trouvé dans la même relation de confiance avec son fils, le roi Mohammed VI. Il a été accepté dans le cercle familial du jeune roi, et s’est contenté d’emmagasiner des photos intimistes et chaleureuses jusqu’à ce qu’il soit enfin, au bout de quelques années, autorisé à en publier quelques-unes. Cette même confiance lui a permis d’approcher Tony Blair, le prince Albert de Monaco, le prince Charles, Vaclav Havel, Norodom Sihanouk, le prince Felipe d’Espagne et tant d’autres, parce que, précisément, il ne vole pas les photos mais les mérite, longuement, progressivement. L’explication du succès, qui fait de lui un grand photographe, c’est Hubert Védrine qui la donne, dans l’introduction à l’exposition de ses photos « Temps forts » à Monte- Carlo, en 2008 : « Un double regard, celui du photographe, celui du photographié, une rencontre, exclusive, parfois une complicité. » Et cette complicité qu’il crée avec son sujet, Bernard Sidler la partage enfin avec son public, sans trucage, ni effets spéciaux. Le regard qu’il a posé sur les hommes des forces spéciales opérant en Irak, en février 1991, est ce même regard tranquille et dépourvu d’arrière-pensées qui a marqué toute sa carrière. Avant que ces commandos parachutistes ne vivent des moments dramatiques à As-Salman, il nous rend leur humanité, leur concentration dans le combat, leur vérité de soldats atypiques et entiers. Un témoignage de journaliste unique qui n’avait jamais été publié, par fidélité aux moments partagés et à la parole donnée.