Discours de Madame Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants

Discours prononcé le 27 février 2021 au Monument aux morts pour la France en opérations extérieures (Paris, XVe arrondissement)

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Monsieur l’ambassadeur du Koweït en France, excellence,

Mesdames, messieurs les Parlementaires,

Madame la Maire de Paris

Monsieur le Chef d’État-major des Armées, mon général,

Mesdames et messieurs les directeurs,

Mesdames et messieurs les officiers généraux,

Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins, aviateurs, gendarmes, militaires et personnels civils de la défense, Anciens de l’opération Daguet,

Mesdames, messieurs,

Chacun des noms figurant sur ce monument aux morts pour la France en opérations extérieures est un destin au service de la France et une vie donnée pour le succès de nos armes. Au nom de la Nation, je souhaite d’abord m’incliner avec reconnaissance devant celles et ceux qui ont accompli leur devoir jusqu’au don suprême.

Et aujourd’hui, nous distinguons plus particulièrement les dix soldats morts au Moyen et Proche Orient en 1990 et 1991. Ils figurent sur ce mur des noms afin que la mémoire nationale conserve, en ce lieu, leur souvenir et la valeur de leur dévouement.

J’adresse un salut fraternel à tous nos anciens et vétérans, à tous les chefs, qui ont participé à la première guerre du Golfe, qui ont été le bras armé de la France lors des opérations « Bouclier du désert » et « Tempête du désert ». Dans cet hommage, je n’oublie pas ceux qui nous ont quittés depuis 1991. A terre, sur les mers, dans les airs, tous, ils ont été fidèles à la tradition de nos armées. Cette fidélité qui, génération après génération, fait l’admiration des Français.

Cette cérémonie est la leur, elle est la vôtre, trente ans exactement après la libération du Koweït et la victoire de la coalition internationale, trente ans après le succès des armées françaises. Dans le Golfe, soldats, marins, aviateurs ont rempli leurs missions et atteint l’ensemble de leurs objectifs en un temps record. Ils ont répondu efficacement à la demande du chef des armées et aux impératifs d’une guerre moderne menée par une impressionnante armada.

La tempête s’était levée dans la nuit du 1er au 2 août 1990. Ce jour-là, l’Irak envahissait le Koweït en violant les lois internationales.

L’agresseur d’alors poursuivait son forfait jusqu’à investir de force l’ambassade de France à Koweït-City.

Après avoir accordé toutes ses chances à la voie diplomatique, le président MITTERRAND faisait le choix rapide et clair d’engager notre pays. Ainsi, dans le cadre des résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité de l’ONU, la France rejoignait la large coalition internationale conduite par les États-Unis d’Amérique.

Tout en conservant son autonomie d’action, elle engageait ses armées, ses armes et ses hommes dans un combat pour le rétablissement du droit.

Celui, monsieur l’Ambassadeur, de la souveraineté du Koweït.

Précédée par l’opération « Salamandre » et l’envoi du porte-avions Clemenceau dans l’Océan Indien, l’opération Daguet, coordonnée par le général ROQUEJEOFFRE, a concrétisé la participation de notre pays aux opérations de la coalition. La division du même nom, commandée par les généraux MOUSCARDÈS puis JANVIER, fut l’épée de notre pays dans cet événement géopolitique crucial.

La Guerre du Golfe, mesdames et messieurs, c’est d’abord un succès logistique. Les contingents mobilisés ont été déployés puis solidement installés au cœur du désert, sous la protection constante de la marine nationale. Plus de 6 000 hommes forment le dispositif en octobre, plus de 9 000 en janvier, en tout plus de 15 000 soldats ont été mobilisés. Plusieurs milliers de tonnes de matériels sont affrétées et, chaque jour, 200 000 litres d’eau approvisionnent nos troupes.

La réussite de l’opération Daguet est le fruit du professionnalisme et du caractère de nos soldats. Ils se sont habitués à des conditions extrêmes et se sont préparés dans la chaleur du désert d’Arabie Saoudite. La division Daguet a une âme par les actions qu’elle a accomplies, par ce qu’elle a été et par la camaraderie qui en a été la clef de voûte.

Tous les anciens s’en souviennent.

A partir du 17 janvier 1991, les forces aériennes et aéroterrestres sont entrées en action pour neutraliser les capacités aériennes irakiennes, pour détruire des objectifs stratégiques et couper les axes de ravitaillement. Nos pilotes de Jaguar ou de Mirage ont participé à cette puissante action de plus de 40 jours, avec près de 1 400 missions, contribuant ainsi à considérablement amoindrir le potentiel de réaction de l’ennemi. Nous nous souvenons avec émotion du raid sur la base d’Al-Jaber.

Il est entré dans l’histoire militaire française tout comme un de ses Jaguar est récemment entré au musée de l’Air et de l’Espace.

A partir du 24 février, à l’extrême ouest du dispositif, en territoire irakien, la division Daguet mène une offensive aéroterrestre éclair. L’objectif pour les Français est double : prendre l’aérodrome d’As Salman et contrôler un axe de circulation majeur.

Au petit matin, depuis la frontière arabo-irakienne, le groupement français s’élance.

Devant lui, une division d’infanterie irakienne. Elle fut totalement bousculée. Le point Rochambeau, position de défense irakienne, est rapidement pris. Puis, le 25 février, après un déluge de feux d’artillerie, l’aérodrome est investi. Le 26 février, le village d’As Salman est pris mais la conquête du fort du même nom provoque la mort et la blessure de plusieurs soldats, victimes notamment de sous-munitions. Le 27, la mission est remplie avec le contrôle de la « route Texas ».

Le 28 février, en début d’après-midi, le drapeau tricolore flotte à nouveau sur l’ambassade de France au Koweït. En une centaine d’heures, les forces de la coalition ont remporté un succès foudroyant et obtenu la reddition irakienne.

La France a pris toute sa part dans ce succès et a poursuivi son œuvre au-delà de la fin du conflit en participant aux opérations de déminage. Ainsi, un détachement français est resté sur place pour assurer le déminage des plages de Koweït-City, tout comme la Force de Guerre des Mines a déminé une partie des eaux du littoral. Ce fut, entre autres, la contribution de la France à la préparation de l’après et au retour de la sécurité. Elle parachève le succès de la mission française au sein d’une coopération internationale inédite.

Tous, soldats, marins, aviateurs, en accomplissant leur devoir, ont bien mérité de la France et nous leur rendons hommage.

Je fais confiance aux combattants des opérations extérieures pour entretenir leur fraternité d’armes et la solidarité qui caractérise le métier militaire. Je leur fais confiance pour être, comme leurs prédécesseurs, des passeurs de mémoire. Et je le dis avec la fierté de voir ici des jeunes du Service National Universel. Ces cérémonies sont aussi faites pour cela : pour expliquer et transmettre.

La Guerre du Golfe en tant qu’opération de haute intensité a été à la fois un laboratoire pour notre outil militaire et un révélateur de ses lacunes et de ses insuffisances. Il y a, pour nos armées, un avant et un après Daguet, un avant et un après-guerre Froide.

Nous en avons tiré les enseignements pour adapter nos forces au nouveau contexte international et aux nouvelles formes d’engagements. Ainsi, l’opération Daguet a bouleversé l’organisation de notre armée et provoqué une importante réforme de nos moyens. La structure, le visage et le format de notre armée d’aujourd’hui en sont les héritiers.

La Guerre du Golfe a été une des premières guerres télévisées et médiatiques. C’est une leçon majeure de cette intervention.

Aujourd’hui, comme alors, il nous faut inlassablement expliquer et sensibiliser l’opinion publique aux enjeux militaires, diplomatiques et humanitaires de nos interventions. Il nous faut sans cesse vivifier et consolider le lien armées-nation.

Et cela d’autant plus à l’heure où notre pays continue à faire face à de grandes menaces.

La pandémie évidemment qui est toujours là, toujours au cœur de nos préoccupations. Mais je pense bien-sûr et d’abord au terrorisme que nous combattons au Sahel comme au Levant, au risque de la prolifération des armes de destruction massive, au durcissement de la compétition entre puissances, aux nouveaux champs de la conflictualité que sont le cyber, l’espace et l’information, aux menaces insidieuses qui pèsent sur notre société et notre démocratie.

Le président de la République, le gouvernement et nos armées y opposent une ferme résolution et une détermination de tous les instants. La nation fait confiance à son armée, à ses chefs et à ses soldats pour constamment affermir notre résilience, consolider nos défenses et aiguiser nos capacités offensives.

Notre histoire nous a légué une voix particulière dans le monde. Pour que cette voix continue à porter et à être écoutée, elle doit être appuyée sur des capacités opérationnelles remarquables et autonomes, sur un outil militaire constamment à la pointe et taillé pour les enjeux du moment, sur des femmes et des hommes au dévouement exemplaire. C’est aussi une des leçons de la Guerre du Golfe.

Vive la République !

Vive la France !

 

 

Stéphane GAUDIN
Stéphane GAUDINhttps://theatrum-belli.com/
Créateur et animateur du site OPERATION-DAGUET.FR depuis 2010. Créateur et Directeur du site défense THEATRUM-BELLI.COM depuis 2006. Créateur et animateur des sites : AMICALE.35RAP.FR / PILOTE-DE-MONTAGNE.COM. Officier de réserve citoyenne Terre, rattaché au 35e RAP depuis 2018. Officier de réserve citoyenne Marine (2012-2018).

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